Pour la seconde fois, j'ai le plaisir de vous proposer une interview que j'ai réalisée. Avec la sortie, ce mercredi 2 février, d'Opération Soleil de Plomb, chez Akiléos, le nouvel épisode des "chroniques" du monde de Block 109, nous accueillons sur ce blog Vincent Brugeas et Ronan Toulhoat, scénariste et dessinateur de l'univers.
Plongez avec nous dans l'uchronie Block 109, avant de lire prochainement ici, une critique de ce nouvel opus.
Vincent Brugeas, Ronan Toulhoat, votre nouvel opus se déroulant dans l'univers de Block 109, Opération Soleil de Plomb, sort dans quelques jours. Quel est le programme de cette nouvelle
découverte de votre univers ?
EUX DEUX : Opération Soleil de Plomb est le récit d’une chasse à l’homme, dans un milieu des plus hostiles : la jungle. Cette traque est menée par Walter Schell que les lecteurs de
Block 109 connaissent mieux sous le nom de Steiner. C’est aussi pour nous l’occasion de réutiliser les codes des films de guerre et surtout ceux concernant la Guerre du Vietnam, tel Platoon,
Apocalypse Now. C’est un peu le Vietnam à la sauce Block 109.
Block 109 était votre premier projet bd aboutit. Avez-vous le sentiment, l'un et l'autre d'avoir progressé, sur ce troisième album? Avez-vous trouvé de nouveaux défis à relever dans votre
travail ?
Notre travail est en progression constante.
RONAN : Au niveau du dessin, effectivement le défi était d’aller plus loin qu’Etoile Rouge, qui comportait encore des erreurs de jeunesse, des maladresses. Mais les connaissant, le but était
de les dépasser, tout en restant dans les mêmes codes graphiques : c’est à dire une dominante de couleur qui donne le ton à l’album. Enfin, le dessin a été poussé plus loin dans la
précision, format classique oblige.
VINCENT : Pour ma part, j’ai appris à réfréner mes idées, à développer chacune d’entre-elles de façon plus progressive. De même, j’ai appris à supprimer des personnages et à mieux utiliser ce
qui reste !
Après Block 109, très apprécié du public et de la critique, Etoile Rouge a reçu un accueil nettement plus « frais ». Maintenant qu'un peu de temps a passé, comment
expliquez-vous cet état de fait ?
EUX DEUX : Etoile Rouge est un album plus « passe-partout ». Notre objectif était clairement de respecter les codes de la BD d’aviation. Et de ce côté, je pense que
nous avons pleinement réussi. Cependant, le public de Block 109 n’est pas exactement le même que celui d’un Grand Duc par exemple. Et je pense que notre public s’attendait à un récit
aussi foisonnant et déroutant que celui de Block 109, là où nous voulions clairement faire un récit de genre.
Les réserves exprimées sur Etoile Rouge vous ont-elles refroidies dans la préparation de Soleil de Plomb, où en avez-vous fait abstraction ?
EUX DEUX : Nous les avons entendues et nous les avons compris. Ainsi, même si Opération Soleil de Plomb s’apparentera à un récit de genre, un récit de guerre, nous n’avons pas oublié d’y
apposer une touche plus personnelle, propre à l’univers de Block 109.
Nous nous sommes rendu compte aussi que nous préférons travailler ainsi.
Quelle est donc cette touche personnelle qui selon vous manquait à Etoile Rouge ?
EUX DEUX : Ce qui est présent en masse dans Block 109 : de nombreuses références cinématographique, des clins d’œil appuyés à des univers références, des inventions marquantes (exo
armures, sibériens et maintenant les Cents-visages), des scènes d’actions (terrestres !!!) musclés.
Et puis les personnages sont beaucoup plus sombres que dans E.R, à l’instar de Block 109 qui présentait une palette de personnages peu recommandables. J’avoue préférer travailler sur des
salauds, je les trouve plus intéressant à manipuler. Ils peuvent surprendre, étonner et provoquer des réactions très forte aux lecteurs.
Vous n'hésitez pas à communiquer directement, via facebook, via votre blog, comment sentez-vous votre public, à peu de temps de la sortie du nouveau tome ?
EUX DEUX : Nous sentons beaucoup d’impatience de la part de nos lecteurs et surtout un enthousiasme qui n’était pas aussi marqué lors de la sortie d’Etoile Rouge.
Parlons plus particulièrement d'Opération Soleil de Plomb. Avez-vous eu immédiatement, Vincent, l'idée de placer un des personnages de Block 109 en protagoniste principal de cette
histoire?
VINCENT: C’est venu assez rapidement, en effet. Skorzeny et Schell forment un duo intéressant que nous n’avions pu développer suffisamment dans Block 109. Ils ont ajouté un plus à l’écriture
du scénario, c’est indéniable. Et puis c’était une manière d’en dire un peu plus sur l’un des personnages principaux de notre one-shot. Si chaque album se doit d’être indépendant, cela n’empêche
pas de créer des passerelles pour amener les lecteurs à découvrir l’ensemble de notre production !
Existe-t-il une documentation fournie, sur les activités du Reich en Afrique noire? On connaît bien Rommel et sa campagne nord-africaine, mais les combats en Afrique équatoriale sont
moins mis en avant. Avez-vous une base sur laquelle vous développer, ou l'imagination a-t-elle du faire le gros du travail?
VINCENT : À ma connaissance, les rares combats en Afrique Noire ont plutôt été interalliés, comme à Madagascar, des combats sporadiques pour ralliés les colonies aux Forces Françaises Libres.
J’ai préféré imaginer ou plutôt « développer » la situation, afin qu’elle corresponde le plus possible à notre envie de Guerre du Vietnam. Le Congo s’est vite imposé, avec son imposante
jungle et sa production d’uranium… la géographie fait parfois bien les choses !
Après les Panzermann et les avions à réaction, ce sont les hélicoptères qui font leur apparition dans l'uchronie. Sur quelle base êtes vous parti, Ronan, pour développer ces prototypes
là?
RONAN : Il fallait un design crédible, identifiable comme allemand, seconde guerre mondiale. Du coup j’ai fait un peu de recherches, et suis tombé sur un prototype allemand d’hélicoptère, le
flettner. Il avait la particularité d’avoir deux rotors disposés en V, contrarotatifs, ce qui évite le rotor de queue, et augmente la stabilité de l’engin. DU coup je suis parti de ce concept, et
me suis aussi inspiré du fameux « Hind » soviétique, ainsi que du côté pratique du "Huey" américain, emblème de la guerre du Vietnam, référence oblige. Surtout pour son côté pratique
« transport de troupe ».
Ensuite, j’ai fait un mélange de tout ça, et j’en ai sorti le design de ces hélicoptères. Puis je l’ai modélisé en 3D, afin de pouvoir le tourner dans tous les angles possibles, et l’intégrer
dans le storyboard.
La France Libre est présente dans Etoile Rouge, ainsi que dans Opération Soleil de Plomb. Avez-vous l'intention, Vincent, de nous présenter la France de Vichy sauce Block 109 ? Y
pensez-vous ? Serait-ce facile, pour un auteur français, d'en proposer une version uchronique ? On est généralement assez frileux sur la question, il a même fallu attendre un américain, Robert
Paxton, pour que nous osions nous interroger sur cette période...
VINCENT: Ce n’est pas au programme. Je ne suis pas attiré plus que ça par le propos. Ce n’est pas de la frilosité, juste un manque d’intérêt. Dans Etoile Rouge, l’idée était plutôt de rendre
hommage à quelques combattants isolés plus qu’à la France Libre. France résistante ou collabo ? Le débat ne m’intéresse pas trop, à moins de le traiter à travers un parcours individuel
(comme Laffont par exemple). Cependant, certains le font bien mieux que nous actuellement et ce sans uchronie !
Vincent Brugeas, vous avez dit dans une interview qu'Akileos vous avait demandé un polar médiéval, en lieu et place de Block 109 à l'origine. Qu'est devenue cette idée? Restée dans un
carton, ou comptez-vous la faire publier un jour ?
VINCENT: En réalité, il n’y avait pas de projet de polar médiéval. J’avais dit ça pour appâter tout en sachant que j’enverrais Block 109. Cependant, j’ai de nombreux projets en cours,
toujours avec Ronan et notamment un « western napoléonien » nommé Morsures.
Un western napoléonien... Des soldats de Napoléon aux Amériques ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
VINCENT : L'idée est plutôt d'associer le contexte historique (réelle et non uchronique) des campagnes napoléoniennes avec les codes du Western. Remplaçons par exemple les indiens par des
cosaques, les tuniques bleues par des hussards (le 5ème régiment pour être précis) et les villageois taciturne par des allemands aux alliances changeantes.
Le cadre sera la fin de la campagne d’Allemagne en 1813, lors de la déroute des armées napoléoniennes après la défaite de Leizpig.
Loin des batailles rangées et des champs de bataille, nous voulons installer un huit clos angoissant, dans un petit village assiégé par des cosaques.
Ronan, si vous deviez changer radicalement d’univers graphique, vers quel genre aimeriez-vous vous tourner ? Les châteaux et les chevaliers, serait-ce votre truc ?
RONAN: Avant toute chose, c'est surtout une histoire excitante qui me motive. Une histoire où Vincent comme moi pouvons nous retrouver et y mettre nos propres références. Donc le spectre
d'expression graphique est large, mais en même temps restreint : par exemple je nous vois mal réaliser une histoire au temps des hommes des cavernes... En revanche, le moyen-âge, la mythologie,
l’époque victorienne, les Guerres napoléoniennes : Oui, là non seulement ca me plait, mais nous y avons de nombreux projets futurs, sans parler d'idée de SF....
Vous qui êtes très branché ingénierie, quelle est votre vision de la SF, justement? De la technologie « réaliste » à la Alien, ou quelque chose de plus chromé à la Star
Trek ?
RONAN : Clairement, de la technologie réaliste à la Alien. J’aime ce côté proche de nous, tout en étant lointain, selon moi, cela aide le lecteur à s’identifier à l’univers. C’est pourquoi je
suis très friand de films comme District 9 ou le film qui sortira bientôt : Battle for Los Angeles….
Vous avez tous deux la chance de pouvoir détailler tout un univers, et vous le faites sur vos différents albums. Il reste encore Ritter Germania et New York 1947 à publier, mais êtes vous
allé plus loin? De nouveaux chapitres sont-ils prévus ?
EUX DEUX : Nous avons régulièrement des envies, des idées qui viennent, mais toutes ne sont pas e xploitables. Après
Ritter Germania, nous ferons sûrement de nouveaux chapitres (dont l’un se déroulera à Gibraltar), mais pas avant d’avoir changé d’air ! Nous avons actuellement deux
projets hors du monde de Block 109 qui nous tiennent à cœur.
En dehors de Morsures ?
EUX DEUX : En dehors de Morsures, mais ces projets étant encore très hypothétiques et leurs sorties encore dépendantes de nos envies et de l'évolution de nos séries en cours, nous
préférons rester silencieux à ce sujet.
Merci à tous les deux pour ce temps passé en notre compagnie. Demain, vous pourrez tous lire ici la chronique d'Opération Soleil de Plomb.
Merci aussi à Akiléos pour les différents visuels fournis.